MARCEL DUPRE   15 Versets pour les Vêpres du Commun des Fêtes de la Sainte Vierge op. 18

Le Contexte liturgique - La Pratique de l'Alternance

          Dans un très intéressant article paru en 2000-2001 dans le Year-book du Royal College of Organists, Patrick RUSSILL décrit les circonstances qui furent à l'origine de la composition de ces 15 versets par Marcel Dupré pour répondre au souhait formulé par Claude Johnson. Celui-ci avait assisté aux vêpres à Notre-Dame de Paris en la Fête de l'Assomption 1919, où Marcel Dupré remplaçait Louis Vierne aux claviers du Grand-orgue. Dans l'ouvrage que lui consacra Bernard Gavoty il est fait mention du très grand plaisir que Louis Vierne éprouvait en improvisant les versets des vêpres, à l'image de son maître César Franck. Marcel Dupré, en ce jour de 1919, improvisa donc des versets comme il était de tradition en ces lieux. En effet, il était de coutume, dans les grandes églises et cathédrales, d'alterner chants liturgiques et versets d'orgue, voire de substituer un morceau instrumental pour un verset, strophe, ou antienne que l'on devait normalement chanter. Cette coutume était toujours honorée à Notre-Dame en 1919, et les 15 versets de Marcel Dupré peuvent nous restituer l'ambiance d'une cérémonie vespérale de grande Fête à cette époque.

          Toutes les antiennes de la Fête de l'Assomption étant propres à cette Fête, il est peu probable que la musique que Claude Johnson entendit le 15 août 1919 fût la même que Marcel Dupré proposa pour l'édition, du moins en ce qui concerne les cinq premières de ces antiennes, car en choisissant d'illustrer les Vêpres du Commun de la Vierge, Marcel Dupré destinait ses pièces à un usage plus général puisque six des fêtes mariales de l'année y font appel. En ce qui touche l'hymne Ave maris stella, il se peut que le rapport entre strophe improvisée et strophe écrite soit moins ténu, puisque cette hymne est chantée lors de toutes les fêtes mariales. Quant aux versets du Magnificat, d'après le Traité d'improvisation à l'Orgue de M. Dupré, ils devraient se substituer aux versets pairs. Cependant, dans l'édition H.W. Gray le texte de ce cantique est présenté avec une découpe strophique inhabituelle. L'article de P. Russill nous apportera des éclaircissements à ce sujet.

          Les cinq versets qui inaugurent la série sont prévus pour se substituer à la reprise de l'antienne à la conclusion de chaque psaume. Ils semblent directement inspirés des mélodies grégoriennes pour les Vêpres du Commun de la Sainte Vierge.
          Pour l'hymne Ave maris stella, les versets d'orgue se substituent aux strophes paires, avec une conclusion brillante en guise d’Amen. La mélodie grégorienne, omniprésente, est traitée de diverses manières : en canon, en taille, en choral orné, etc.
          En ce qui concerne le Magnificat, il convient de noter qu'il est du 8ème ton aussi bien pour la Fête de l'Assomption que pour les Vêpres du Commun et que par conséquent, il existerait très vraisemblablement une parenté entre l'improvisé et l'écrit. Ce sont des compositions libres dont la tonalité de Sol constitue le seul lien. (Pour ma part, la 2ème me semble faire exception dans la mesure où le choral traité en canon me fait penser à la mélodie de la Séquence propre au Diocèse de Paris pour cette Fête, à cause de sa quinte initiale et son intervalle de septième mineure bien dessiné. Cette Séquence Induant justitiam était chantée le matin au cours de la messe en ce jour de Fête patronale. D'ailleurs, dans son Traité M. Dupré nous dit que l'orgue se verra confier les versets pairs de la Prose, lorsqu'il y en a).

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Eugène PELLETIER

Titulaire du Grand-Orgue de l'Eglise
Saint-Joseph-des-Carmes à Paris