LE MONDE MUSICAL(1) __________________ 1 Article communiqué par monsieur Jean-Dominique Pasquet (N.D.L.R.). ECOLE NORMALE DE MUSIQUE
114 bis, Boulevard Malesherbes, PARIS (17e) Dimanches 6, 13, 27 Mai et 3 Juin 1934, à 16 h. 30 40, Boulevard Anatole-France, à MEUDON 4 CONCERTS-CONFÉRENCESsur l'Interprétation des Œuvres d'Orgue deMARCEL DUPRÉLa nouvelle Console de l'Orgue de Marcel Dupré, à Meudon CHORALS – GRANDS PRÉLUDES ET FUGUES – SONATES TOCCATAS ET FANTAISIES. Places Réservées : 25 francs. Abonnement aux Concerts : 80 francs. Les inscriptions sont reçues dès maintenant à l'Ecole Normale de Musique. Le célèbre organiste a bien voulu nous autoriser à prendre la sténographie de ses Conférences. Leur publication dédommagera un peu ceux qui n'ont pu y assister et entendre les magistrales exécutions dont elles étaient le préambule. Les Chorals de J.-S. Bach On peut aisément reconnaître dans les Chorals pour orgue de J.-S. Bach quatre formes différentes inspirées des différents courants qui existaient à son époque et dont, successivement, il a eu la révélation par certains artistes qu'il a fréquentés ou entendus, ou dont il a lu les œuvres. La plus ancienne forme du Choral est la forme fuguée. Elle découle directement du motet italien du XVIe siècle qui consiste à prendre chaque membre de phrase du choral et à la développer au fur et à mesure dans le plan d'une exposition de fugue à quatre voix, la cinquième étant réservée, soit à la pédale, soit à la partie aiguë extrême, et présentée généralement en augmentation, c'est-à-dire en valeurs deux fois plus lentes que les valeurs employées dans l'exposition. Cette forme, vocale au XVIe siècle, est devenue instrumentale et a eu son expression la plus parfaite avec Pachelbel que Bach a entendu, dont il a lu les œuvres et dont il s'est inspiré. Les premiers Chorals de J.-S. Bach sont, en général, de forme fuguée : forme sévère, un peu rigide, quelquefois même un peu âpre, mais profondément religieuse. En ce qui concerne l'origine et les formes des mélodies des Chorals de Bach, je n'aurais pas à vous en parler ici, mais je voudrais vous rappeler que leur source la plus ancienne est la monodie catholique du moyen âge. Lorsque Luther a refait la liturgie musicale protestante, il a d'abord pris ce qu'il a pu comme hymnes catholiques prosodiés. Vous avez dans Bach une trentaine de Chorals basés sur des Chorals luthériens qui ne sont autre chose que les mélodies des hymnes catholiques, par exemple, le Veni Creator. Ensuite, Luther a repris au compte religieux, si l'on peut dire, ce qui s'est passé au XIVe et au XVe siècles avec l'église catholique où nous sommes un peu surpris de voir entrer dans la liturgie des mélodies que nous savons avoir été, soit des chansons à boire, soit des chansons tout à fait profanes que le peuple chantait dans les rues. L'idée religieuse était bien compréhensible : les compositeurs ont employé ces mélodies pour empêcher le peuple de chanter des paroles, permettez-moi de dire légèrement rabelaisiennes puisque nous sommes à Meudon (3), et pour les remplacer par des paroles spirituelles. Luther, à son tour, a fait la même chose, et vous trouvez ainsi, dans les chorals qui ont été employés, nombre d'anciennes chansons plus ou moins profanes. Le fameux choral « Ein feste Burg », qui n'est rien d'autre qu'une chanson des lansquenets de la bataille de Pavie, en est un exemple tout à fait typique. Ensuite, Luther a composé lui-même et a fait composer par des amis musiciens en lesquels il avait confiance, des chorals figurant aujourd'hui dans la liturgie protestante et que Bach a utilisés. C'est justement à leur forme qu'on peut reconnaître leur époque. Cette forme, la voici : une première phrase, de quatre ou huit mesures, selon le rythme, répétée deux fois, puis son commentaire, le plus souvent déduit, finissant au ton, par conséquent, petite forme ternaire. Il est assez curieux de rapprocher cette forme des explications qui sont données dans le premier acte des Maîtres Chanteurs de Wagner par Hans Sachs à Walter quand Hans Sachs a un tel désir de lui voir passer victorieusement son examen de Maître. Si l'on reprend le texte de Wagner, on retrouve exactement dans la bouche de Hans Sachs l'explication de la forme du choral luthérien : la première phrase, la reprise, puis le commentaire. La seconde forme employée par Bach est la forme contrapuntique. Il faut, en contrepoint, envisager deux courants absolument nets ; contrepoint simple consistant à écrire sur un chant donné une mélodie en valeurs de notes imposées, ayant un mouvement continu. La forme de contrepoint simple de Bach sur les chorals est nettement reconnaissable en ce sens qu'il emploie toujours des mélanges : par exemple, la basse marche en croches, un soprano chante en doubles croches et le chant est donné en noires au ténor. (...) __________________ 2 Article paru dans le Monde musical Année 1934 dans les pages L'Orgue et les Organistes (N.D.L.R.). 3 Rabelais a été curé d'une paroisse de Meudon (N.D.L.R.). |