Éliane LEJEUNE-BONNIER

Analyse des Variations sur "Il est né le divin enfant", pour orgue,
de Marcel Dupré.

Après l'opus 20 du catalogue des oeuvres de Marcel Dupré, Variations sur un vieux Noël, composé en 1922, voici, en 1948, un charmant Noël varié, Il est né le divin enfant. Ces quelques pages, restées manuscrites et sans opus, semblent d'abord avoir été improvisées.

Dès le 9ème siècle retentissent dans l'église, en la nuit de Noël, des chants populaires et naïfs. Leurs contours mélodiques et leurs contenus harmoniques offriront plus tard et, particulièrement chez les organistes français, la possibilité d'harmoniser ces Noëls et d'y ajouter de multiples variations.

Marcel Dupré ne faillira pas à cette tradition. Ce Noël Il est né le divin enfant puiserait sa source dans une musette à 2/2, puis, au dire des musicologues, dans une sonnerie de cor de chasse à 6/8.

La littérature d'orgue crée l'art de la variation. Le thème est soumis à différents procédés musicaux : augmentation, diminution, ornementation, stretto, etc... Ici, le compositeur optera pour une écriture quelque peu naïve, face à d'autres créations aux vastes architectures sonores, comme les deux poèmes symphoniques pour orgue : Vision en 1947, et Psaume XVIII en 1949.

L'analyse harmonique de ce Noël est simple. Faut-il même analyser, coûte que coûte ? Honegger disait : "Je ne sais pas trop ce que j'ai mis dans cet accord ... Et puis, au fond, cela m'est égal ; l'essentiel, c'est qu'il sonne bien".

Le thème est donc harmonisé à 4 voix dans la plus stricte observance d'un traité d'harmonie.

La première variation se présente en trio : une arabesque chromatisée à 2 voix sur une flûte 8 accompagne le thème à l'alto sur un jeu nommé kéraulophone. Ce mot semble ignoré des dictionnaires et même des glossaires des noms de jeux d'orgue ! Au grand orgue de Saint Sulpice, le kéraulophone est au 5ème clavier, dit de solo. Au grand orgue de Saint Eustache, il est 2ème clavier, dit de positif. Au grand orgue de la cathédrale de Narbonne, il existe aussi sur le positif expressif. Dans l'encylopédie Roret (1905), quelques lignes peuvent nous éclairer sur ce jeu "précieux pour les orgues n'ayant pas de salicional car il est moyen terme entre ce dernier jeu et le principal. Il peut, par là, tenir lieu de l'un et de l'autre". On peut aussi le considérer comme une montre plus douce parmi les jeux de fonds.

La deuxième variation utilise la gambe et la voix céleste, le thème étant au pédalier. Il se transforme rythmiquement à 6/8 et l'écriture à 5 voix, dans la tonalité de si majeur, apporte une sorte de balancement entre le ténor et l'alto.

Subitement, à la dixième mesure, un retour à la tonalité initiale, ré majeur, permet une modulation au relatif, si mineur.

La troisième variation donc, en si mineur, développe la tête du thème par mouvement contraire

et la dernière séquence utilise la forme ornée :

La quatrième variation est un mélange de fugue et ricercare. La réponse est réelle et la registration prend quelque ampleur grâce aux jeux de 4 et 2 pieds. Un emprunt au relatif de la sous-dominante elle-même (sol majeur) est accompagné d'une anche douce au récit.

Enfin une très courte coda avec quelques accords arrachés grâce à l'apport du jeu d'anche, la trompette, donne une brillante conclusion à cette oeuvre discrète.